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Droit du travail

LE BAREME MACRON, UN DEBAT ETERNEL ?

Par 25 avril 2023août 28th, 2023Pas de commentaires

1/ Le barème « Macron » : c’est quoi ?

L’article L.1235-3 ancien du Code du travail disposait que dans les entreprises de plus de 11 salariés, le salarié licencié sans motif valable (licenciement sans cause réelle ni sérieuse) devait se voir allouer une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des 6 derniers mois.

Par Ordonnance du 22 septembre 2017 relative à « la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail », le législateur a modifié l’article L. 1235-3 du Code du travail qui dispose désormais que l’indemnité versée au salarié doit être comprise entre des montants minimaux et maximaux, en fonction de la taille de l’entreprise et de son ancienneté.

Par exemple, le salarié disposant de deux ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés pourra bénéficier d’une indemnisation comprise entre 3 mois de salaire au minimum et 3,5 mois de salaire au maximum (contre 6 mois au minimum précédemment).

L’ordonnance du 22 septembre 2017 ayant été prise sous l’impulsion de Monsieur Emmanuel MACRON, alors ministre du travail, le barème fixé par l’article L.1235-3 du Code du travail est couramment appelé « barème Macron ».

2/ Le débat 

Le barème « Macron » a fait l’objet, depuis son entrée en vigueur le 23 septembre 2017, de nombreuses contestations, ses détracteurs considérant qu’il ne permettrait pas l’indemnisation complète du préjudice subi par le salarié.

Nombreux étaient les Conseils de Prud’hommes et les Cours d’appel qui refusaient de faire une application stricte dudit barème aux motifs notamment qu’il ne permettrait pas « une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention nº 158 de l’OIT » et qu’il serait contraire aux dispositions de l’article 24 (b) de la Charte sociale européenne, aux termes desquelles les signataires de la Charte doivent reconnaître « le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

La Cour de cassation a tenté de mettre un terme à cette « fronde » à travers deux arrêts de principe du 22 mai 2022, par lesquels elle a affirmé que le pouvoir des juges du fond était limité à l’appréciation de la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235‐3 du code du travail.

Cf. Cour de cassation, Chambre sociale, 11 mai 2022, pourvoi nº21-14.490

Cf. Cour de cassation, Chambre sociale, 11 Mai 2022, pourvoi n° 21-15.247

La Cour a de surcroît rappelé que la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne pouvait pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Ces deux arrêts de la Cour de cassation semblaient éteindre toute possibilité de contestation.

C’était sans compter sur le Comité Européen des Droits Sociaux qui par une décision du 26 septembre 2022 a considéré que « le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié constitue une « violation » de la Charte sociale européenne (article 24b). », confortant ainsi les détracteurs du barème dans leur argumentation.

3/ Qu’en est-il aujourd’hui ?

Par un arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation a confirmé sa position et cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry qui avait alloué au salarié dont le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, une indemnité supérieure au montant maximal de l’article L.1235-3 du Code du travail.

Cf. Cour de cassation, Chambre sociale, 1er février 2023, pourvoi n° 21-21.011

On aurait pu croire que la Cour de cassation, à travers cette troisième décision, avait enfin mis un terme à la contestation.

Bien au contraire, la fronde continue…

C’est ainsi que la Chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble a, dans deux arrêts très récents, accordé à des salariés une indemnisation supérieure au montant maximum du barème MACRON applicable, sur la base d’une directive de l’OIT :

« que si le juge national n’a pas le pouvoir de vérifier que le barème institué par l’article L 1235-3 du code du travail garantit au salarié ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse jugé compatible avec l’article 10 de la convention OIT nº158 une indemnisation adéquate de son préjudice dans le cadre de cet accord international, un salarié est fondé à solliciter que le barème soit écarté au regard du préjudice dont il justifie, dans un litige l’opposant à son employeur, à raison de l’absence d’examen à intervalles réguliers par le Gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, des modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. »

Cf. Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale, Section B, Arrêt du 16 mars 2023, Répertoire général nº 21/02048

Cf. Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale, Section B, Arrêt du 9 mars 2023, Répertoire général nº 21/01837

Il ne fait aucun doute que cette jurisprudence va faire boule de neige.

La Cour de Cassation devrait à nouveau être saisie.

Espérons que cette fois, elle mettra un terme définitif à ce débat, source d’insécurité juridique.