Skip to main content

Le contrat de travail à temps partiel constitue l’archétype du contrat dit précaire.

Il est plus souvent subi que choisi, les femmes étant d’ailleurs d’avantage touchées que les hommes.

Pour tenter de lutter contre les effets pervers de ce type de contrats de travail (faible nombre d’heures et absence de prévisibilité des horaires de travail, faiblesse de la rémunération, …) le ministre du travail avait invité les partenaires sociaux à négocier sur ce thème courant septembre 2012.

Cette négociation a abouti à l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui a proposé une série de mesures bouleversant la règlementation applicable au contrat de travail à temps partiel.

La Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a repris l’essentiel de ces mesures, dont les principales sont au nombre de trois : fixation d’une durée minimum de travail à 24 heures par semaine, majoration de salaire applicable aux heures complémentaires et possibilité de prévoir une augmentation temporaire de la durée du travail contractuellement convenue par voie d’avenant.

L’essentiel de ces mesures peut cependant être assoupli en application d’un accord de branche étendu, le législateur ayant eu à cœur d’encourager la négociation collective.

La première innovation majeure de la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 est l’institution d’une durée minimale de travail fixée à 24 heures par semaine.

Conscient que cette durée minimale de travail était impraticable dans certains secteurs d’activité, le législateur a cependant prévu la possibilité d’y déroger par convention ou accord de branche étendu.

Cette mesure devait initialement s’appliquer aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2014, un dispositif transitoire étant prévu jusqu’au 1er janvier 2016 pour les contrats en cours à cette date, pour lesquels la durée minimale de 24 heures n’est applicable que si le salarié en fait la demande et si l’employeur n’est pas dans l’impossibilité d’y faire droit compte tenu de l’activité économique de l’entreprise.

Ce délai étant en pratique impossible à tenir, la Loi du 5 mars 2014 a suspendu cette mesure du 22 janvier au 1er juillet 2014 afin de laisser aux branches professionnelles un délai supplémentaire pour mener à bien leurs négociations.

La date d’entrée en vigueur de la durée minimale diffère donc selon la date de conclusion du contrat, ce qui génère un véritable imbroglio juridique :
– contrats conclus avant le 1er janvier 2014 : durée minimale non applicable jusqu’au 1er janvier 2016 (sauf demande du salarié acceptée par l’employeur),
– contrats conclus entre le 1er et le 22 janvier 2014 : durée minimale applicable,
– contrats conclus entre le 22 janvier et le 1er juillet 2014 : durée minimale non applicable, étant précisé que l’application littérale de la Loi du 5 mars 2014 conduit à considérer que ces contrats ne bénéficient en revanche pas de la période transitoire applicable aux contrats en cours au 1er janvier 2014.
– contrats conclus à partir du 1er juillet 2014 : durée minimale applicable.

Même en l’absence de convention ou accord de branche étendu, cette durée minimale n’est pas absolue : il est en effet possible d’y déroger à la demande du salarié, étant précisé que la dérogation est par ailleurs de droit :
– pour les salariés âgés de moins de 26 ans poursuivant leurs études,
– dans les entreprises d’insertion et associations intermédiaires.

Pour dissuader les demandes de complaisance (sous la pression de l’employeur principalement) la Loi impose que cette demande soit écrite et motivée par l’une des deux raisons suivantes :
1. des contraintes personnelles (raisons de santé, charges de famille, poursuite d’études après 26 ans par exemple).

Cette première motivation engendre plusieurs incertitudes : quelle est la frontière entre contraintes et convenances personnelles ? Quid lorsque ces contraintes n’existent plus : le salarié pourra-t-il revendiquer l’application de la durée minimale ? Dans l’affirmative, comment l’employeur pourra-t-il gérer les contraintes organisationnelles et économiques en résultant ?

2. le cumul d’activités

Là encore, les incertitudes sont nombreuses : les activités non salariées en font-elles parties ? Le salarié doit-il justifier qu’il a une autre activité ou doit-il simplement s’engager à exercer d’autres activités dans l’avenir ? Dans la première hypothèse, quid en cas de cessation de l’une de ses activités : pourra-t-il revendiquer l’application de la durée minimale ?

La deuxième innovation majeure de la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 concerne les heures complémentaires.

Les heures complémentaires sont les heures travaillées par le salarié à temps partiel au-delà de la durée du travail contractuellement convenue.

Avant la réforme, les heures complémentaires effectuées dans la limite du dixième de la durée mensuelle de travail contractuellement convenue ne donnaient lieu à aucune majoration de salaire.
Seules les heures complémentaires effectuées au-delà (ce qui n’était licite qu’en application d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendue et limité au tiers de la durée contractuellement convenue) donnaient lieu à une majoration de salaire de 25%.

Depuis le 1er janvier 2014, les heures complémentaires effectuées dans la limite du dixième de la durée mensuelle de travail contractuellement donnent obligatoirement lieu à une majoration de salaire de 10% tandis que les heures effectuées au-delà restent majorées de 25 %, à moins qu’une convention ou qu’un accord collectif de branche étendue ne prévoie une majoration inférieure, comprise entre 10 et 25%.
Le législateur a parallèlement créée un outil permettant d’échapper à la majoration de salaire applicable aux heures complémentaire : le dispositif du complément d’heures.

Ce dispositif, qui permet aux parties d’augmenter temporairement la durée du travail contractuellement convenu par avenant sans que les heures de travail accomplies en plus ne soient soumises au régime des heures complémentaires, constitue la troisième innovation majeure de la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013.

Ce dispositif ne peut toutefois être utilisé qu’à condition qu’une convention ou un accord de branche étendu le prévoit.

Le législateur a ainsi entendu limiter les risques d’abus puisque la convention ou l’accord de branche étendu encadrera le recours à ce dispositif en déterminant :
– le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de 8 par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné (étant précisé qu’aucune limite n’est en revanche fixée quant à la durée de ces avenants ni au volume d’heures prévu au-delà de la durée initialement convenue),
– les majorations salariales des heures effectuées dans le cadre de cet avenant le cas échéant,
– les modalités selon lesquelles les salariés pourront bénéficier prioritairement des compléments d’heures.

Il convient de préciser que le complément d’heures ne peut être prévu que par le biais d’un avenant : une clause générale du contrat de travail ne peut donc valablement permettre le recours à ce dispositif.

Les heures effectuées dans le cadre du complément d’heures ne s’analysent pas comme des heures complémentaires.

Ces heures n’ouvrent donc pas droit à la majoration de salaire de 10% applicable à compter du 1er janvier 2014, sauf disposition contraire de la convention ou l’accord de branche : seules les heures effectuées au-delà du complément d’heures fixé par avenant donnent lieu au paiement d’une majoration de salaire, laquelle ne peut être inférieure à 25 %.

Ce dispositif permet également de déroger à la règle de la réévaluation du temps de travail posée par l’article L. 3123-15 du code du travail, qui dispose que lorsque l’horaire moyen réellement accompli par le salarié a dépassé de 2 heures hebdomadaires au moins sur 12 semaines consécutives, le salarié peut demander une réévaluation définitive de la durée contractuelle de travail.

A travers la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, le législateur a encore étendu le carcan de règles déjà contraignantes encadrant le contrat de travail à temps partiel.

Cette évolution législative a incontestablement été dictée par de bonnes intentions et notamment la volonté de faire reculer la précarité.

Néanmoins, la complexité, les incertitudes et les contraintes économiques générées par ce nouveau contrat de travail à temps partiel ne risquent-elles pas de constituer un frein à l’emploi dans un contexte de crise avec un chômage particulièrement élevé, ce d’autant qu’en pratique les principaux utilisateurs du contrat de travail à temps partiel sont les TPE (entreprises de 1 à 9 salariés) lesquelles regroupent 20 % de l’emploi salarié ?

Florence NERI